St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.
Pierre-Jules-Théophile Gautier 18111872
278. Terza rima
Q
Et que de l’échafaud, sublime et radieux,
Il fut redescendu dans la cité latine,
Ses pieds ne savaient pas comment marcher sur terre;
Il avait oublié le monde dans les cieux.
On l’eût pris pour un ange en extase devant
Le saint triangle d’or, au moment du mystère.
Buttent à chaque pas sur les chemins du monde:
Les yeux fichés au ciel, ils s’en vont en rêvant.
Penchent leur front sur eux et leur tendent les bras,
Et les veulent baiser avec leur bouche ronde.
Ils cognent les passants, se jettent sous les roues,
Ou tombent dans les puits qu’ils n’aperçoivent pas.
Ils cherchent dans le jour le rêve de leurs nuits,
Et le feu du désir leur empourpre les joues.
Et, quand ils ont fini leur chapelle Sixtine,
Ils sortent rayonnants de leurs obscurs réduits.
S’attache à leur personne et leur dore le front,
Et le ciel qu’ils ont vu dans leurs yeux se devine.
Avant que leurs regards et leurs bras ne s’abaissent,
Et leurs pieds, de longtemps, ne se raffermiront.
Leur âme à la coupole où leur œuvre reluit
Revole, et ce ne sont que leurs corps qu’ils nous laissent.
Leur œil cherche toujours le ciel bleu de la fresque,
Et le tableau quitté les tourmente et les suit.
Ils ne peuvent plus voir que les choses d’en haut,
Et que le ciel de marbre où leur front touche presque.