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St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.

François Villon 1431–?

38. L’Epitaphe

En forme de ballade que feit Villon pour luy et ses compagnons, s’attendant estre pendu avec eux.

FRERES humains, qui après nous vivez,

N’ayez les cuers contre nous endurcis,

Car, se pitié de nous povres avez,

Dieu en aura plus tost de vous mercis.

Vous nous voiez cy atachez cinq, six,

Quant de la chair, que trop avons nourrie,

Elle est pieça devorée et pourrie,

Et nous, les os, devenons cendre et pouldre.

De nostre mal personne ne s’en rie,

Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!

Se freres vous clamons, pas n’en devez

Avoir desdaing, quoy que fusmes occis

Par justice. Toutesfois, vous sçavez

Que tous hommes n’ont pas bon sens assis;

Excusez nous—puis que sommes transsis—

Envers le filz de la Vierge Marie,

Que sa grace ne soit pour nous tarie,

Nous preservant de l’infernale fouldre.

Nous sommes mors, ame ne nous harie;

Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!

La pluye nous a buez et lavez,

Et le soleil desechez et noircis;

Pies, corbeaulx, nous ont les yeux cavez,

Et arraché la barbe et les sourcilz.

Jamais, nul temps, nous ne sommes assis;

Puis çà, puis là, comme le vent varie,

A son plaisir sans cesser nous charie,

Plus becquetez d’oiseaulx que dez à couldre.

Ne soiez donc de nostre confrairie,

Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!

ENVOI

Prince Jhesus, qui sur tous a maistrie,

Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie:

A luy n’ayons que faire ne que souldre.

Hommes, icy n’a point de mocquerie,

Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre.