St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.
Victor-Marie Hugo 18021885
235. Lorsque lenfant paraît.
L
Applaudit à grands cris. Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l’enfant paraître,
Innocent et joyeux.
Fasse autour d’un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,
Quand l’enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l’appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.
De patrie et de Dieu, des poëtes, de l’âme
Qui s’élève en priant;
L’enfant parît, adieu le ciel et la patrie
Et les poëtes saints! la grave causerie
S’arrête en souriant.
Où l’on entend gémir, comme une voix qui pleure,
L’onde entre les roseaux,
Si l’aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare
De cloches et d’oiseaux.
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S’emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés.
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N’ont point mal fait encor;
Jamais vos jeunes pas n’ont touché notre fange,
Tête sacrée! enfant aux cheveux blonds! bel ange
A l’auréole d’or!
Vos pieds tendres et purs n’ont point l’âge où l’on marche,
Vos ailes sont d’azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité! corps où rien n’est immonde,
Ame où rien n’est impur!
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers!
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur, l’été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants!