St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.
Pierre Corneille 16061684
148. Stances de Polyeucte
[Polyeucte, Acte IV. sc. ii]S
Que voulez-vous de moi, flatteuses voluptés?
Honteux attachements de la chair et du monde,
Que ne me quittez-vous, quand je vous ai quittés?
Allez, honneurs, plaisirs, qui me livrez la guerre:
Sujette à l’instabilité,
En moins de rien tombe par terre,
Et comme elle a l’éclat du verre,
Elle en a la fragilité.
Vous étalez en vain vos charmes impuissants;
Vous me montrez en vain, par tout ce vaste empire,
Les ennemis de Dieu pompeux et florissants.
Il étale à son tour des revers équitables
Par qui les grands sont confondus;
Et les glaives qu’il tient pendus
Sur les plus fortunés coupables
Sont d’autant plus inévitables,
Que leurs coups sont moins attendus.
Ce Dieu t’a trop longtemps abandonné les siens;
De ton heureux destin vois la suite effroyable:
Le Scythe va venger la Perse et les Chrétiens;
Encore un peu plus outre, et ton heure est venue;
Rien ne t’en saurait garantir;
Et la foudre qui va partir,
Toute prête à crever la nue,
Ne peut plus être retenue
Par l’attente du repentir.
Qu’un rival plus puissant éblouisse ses yeux;
Qu’aux dépens de ma vie il s’en fasse beau-père,
Et qu’à titre d’esclave il commande en ces lieux:
Je consens, ou plutôt j’aspire à ma ruine.
Je porte en un cœur tout chrétien
Une flamme toute divine;
Et je ne regarde Pauline
Que comme un obstacle à mon bien.
Vous remplissez un cœur qui vous peut recevoir:
De vos sacrés attraits les âmes possédées
Ne conçoivent plus rien qui les puisse émouvoir.
Vous promettez beaucoup, et donnez davantage:
Vos biens ne sont point inconstants,
Et l’heureux trépas que j’attends
Ne vous sert que d’un doux passage
Pour nous introduire au partage
Qui nous rend à jamais contents.