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St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.

Jean-Antoine de Baïf 1532–†1589

105. Du Printemps

LA froidure paresseuse

De l’yver a fait son temps;

Voicy la saison joyeuse

Du délicieux printemps.

La terre est d’herbes ornée,

L’herbe de fleuretes l’est;

La feuillure retournée

Fait ombre dans la forest.

De grand matin, la pucelle

Va devancer la chaleur,

Pour de la rose nouvelle

Cueillir l’odorante fleur.

Pour avoir meilleure grace

Soit qu’elle en pare son sein,

Soit que présent elle en fasse

A son amy, de sa main:

Qui, de sa main l’ayant uë

Pour souvenance d’amour,

Ne la perdra point de vuë,

La baisant cent fois le jour.

Mais oyez dans le bocage

Le flageolet du berger,

Qui agace le ramage

Du rossignol bocager.

Voyez l’onde clere et pure

Se cresper dans les ruisseaux;

Dedans, voyez la verdure

De ces voisins arbrisseaux.

La mer est calme et bonasse;

Le ciel est serein et cler,

La nef jusqu’aux Indes passe;

Un bon vent la fait voler.

Les menageres avetes

Font çà un doux fruit,

Voletant par les fleuretes

Pour cueillir ce qui leur duit.

En leur ruche elles amassent

Des meilleures fleurs la fleur,

C’est à fin qu’elles en fassent

Du miel la douce liqueur.

Tout resonne des voix nettes

De toutes races d’oyseaux,

Par les chams, des alouetes,

Des cygnes, dessus les eaux.

Aux maisons, les arondelles,

Les rossignols, dans les boys,

En gayes chansons nouvelles

Exercent leurs belles voix.

Doncques, la douleur et l’aise

De l’amour je chanteray,

Comme sa flame ou mauvaise,

Ou bonne, je sentiray.

Et si le chanter m’agrée,

N’est-ce pas avec raison,

Puis qu’ainsi tout se recrée

Avec la gaye saison?