Harriet Monroe, ed. (1860–1936). The New Poetry: An Anthology. 1917.
GloireCharles Vildrac
I
Beaucoup d’hommes ensemble,
Avec un cri qu’ils aimaient tous entendre,
Avec un haut fait dont ils se parlaient.
Où l’on connaissait sa vie,
Ses actes et son visage.
Et connaissait l’enivrement
De la sentir soumise à sa parole
Comme les blés le sont au vent.
Il la rendait chaude et heureuse.
Il la faisait hurler et rire
Ou haleter soudain.
Quand il avait quitté la foule,
Que chacun des hommes l’aimait;
Et que sa présence durait
Innombrable et puissant en eux
Comme en des braises dispersées
Les dons et la marque du feu.
Qui retournait chez soi, tout seul;
Et il vit son regard s’éteindre
Dès qu’il fut un peu loin des autres.
L’un de ceux qui l’avaient aimé
Avec le cri de toute leur face,
Avec l’élan de tout leur corps
Debout, devant lui, tout un soir;
Il s’approcha, il lui parla;
L’homme connaissait bien son nom,
Mais n’avait rien gardé de lui
Dans son esprit ni dans son coeur.
Une foule comme les siennes,
Qui se pressait, ivre et séduite,
Autour d’un autre
Habile à faire des grimaces.
Et trop peu …
Chaque homme ne prête un instant
Que la surface de son âme.
Mais comme un reflet sur de l’eau;
Mais comme une flamme d’alcool,
Qui ne sait pas ou s’attacher,
Et qui brûle ce qu’elle frôle
Sans le réchauffer.
À connaître le plus d’êtres qu’il put,
À les connaître lentement et un a un,
En demeurant et devisant avec chacun
Quand ils étaient bien eux, quand ils étaient bien seuls.
Quelque chose avec chacun d’eux,
Quelqu’ humble trésor qui leur fût bien cher.
En commun avec chacun d’eux,
Le souvenir secret d’un seul instant
Mais d’un instant élargi d’une telle joie
Qu’ils en pouvaient vivre bien des soirs.
Conservèrent tout isolée
En leur pudeur
Certaine image d’eux-memes
Où ils aimaient se reconnaître,
Et qu’ils ne pouvaient regarder
Sans retrouver ses traits parmi les leurs.